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Le projet Horizeo vu par LGPE

vendredi 5 novembre 2021, par Delpech

Remarques liminaires
Si nous devions nous en tenir à nos domaines de compétences (nous dirions plutôt nos domaines de sensibilisation) : "biodiversité et environnement", notre contribution serait bien banale comparée à celle des bureaux d’études spécialisés. Nous ne ferions que confirmer que la biodiversité en ligniculture du pin est pour le moins faible et que des mesures compensatoires à base de pin en ligne ne changeraient pas la donne. Quant aux espaces "sous panneaux", évidemment, ils auraient une biodiversité ; cependant elle dépendrait beaucoup du mode d’entretien. De quelle nature ? de quelle qualité ? Les retours d’expérience d’installation de ce type déjà en place dans le Sud-ouest seront plus instructifs que nos avis.
Ceci dit, nous nous permettrons quelques commentaires.
De prime abord, le projet interpelle de par sa dimension, pour ne pas dire sa démesure : 2000 hectares défrichés pour l’ensemble du projet. C’est sans doute à l’échelle du Sahara, des USA, de la Russie mais cela est moins concevable à l’échelle de notre communauté de communes. Qui peut imaginer la commune de Saint-Morillon par exemple ( 20,4 km2) intégralement sacrifiée à un tel projet ? Resterait à savoir si 1000 hectares de panneaux d’un seul tenant seraient plus ou moins acceptables que 10 fois 100 hectares disséminés sur un plus vaste territoire.

Énergies décarbonées : une volonté de substitution au nucléaire ?
De longue date l’association LGPE est très réticente face au nucléaire ; étant aussi conscients des nuisances des énergies carbonées, nous ne pouvons être que pour les "énergies de substitution" sachant, pour autant, que nul ne rêve d’un champ d’éoliennes ou de panneaux photovoltaïques à sa porte.
Ceci dit, la nécessité d’énergie de substitution au pétrole comme au nucléaire, associée à une demande toujours à la hausse en énergie (il se dit que, en une heure dans le monde, 8 à 10 milliards de mails sont envoyés ; cela équivaudrait à 4000 allers-retours Paris/New-York) nous oblige à considérer le photovoltaïque, en place d’espaces naturels (même occupés par du pin en ligne...) comme un mal nécessaire. Subodorant tout de même que se substituer aux énergies carbonées et nucléaires et, en même temps, répondre aux besoins nouveaux (automatisation, services en ligne, mobilités, etc..), tout semble concourir à nous faire avaler énergies renouvelables plus nucléaires.

HORIZEO : 4 projets ("briques") associés à la production d’électricité
① "Unité de production et de conditionnement de l’hydrogène" : Pourquoi serait-on contre puisque les spécialistes affirment que ce sera la solution pour les mobilités après l’intermède électrique ?
② "Stockage d’électricité" : Cela va de pair avec le photovoltaïque pour parer à son irrégularité.
③ " Un projet agricole" associé "sous serre", "sous panneaux", "en plein champ" : Pourquoi pas mais la richesse des sols du secteur n’ayant rien à voir avec celle des sols de la vallée de la Garonne, le risque est grand d’avoir des cultures assez artificialisées.
④ "Un data center" : Dans une société où toutes relations humaines, administratives, sociétales, commerciales, s’informatisent tous les jours un peu plus et lorsque vouloir y échapper équivaut à se marginaliser, accepter la société informatisée sans les data center c’est vouloir la 5G sans les antennes ou les automobiles sans les moteurs. On sait aussi que les data center sont extrêmement voraces en énergie, on sait qu’ils nécessitent des moyens de refroidissement extrêmement importants. Le projet a beau annoncer que les eaux de refroidissement seront utilisées à chauffer des locaux et des serres en hiver et à l’irrigation en été ( ne pas oublier dans ce cas un refroidissement des eaux de refroidissement..). Il n’en demeure pas moins que des quantités d’eau importantes devront être prélevées sur des ressources déjà bien malmenées au niveau de Saucats.

Mesures accompagnatrices du projet peu soucieuses de la biodiversité
- Mesures compensatoires
De prime abord, des "mesures de compensation", cela tend à rassurer. À regarder de plus près : une approche strictement économique, l’implication forte de la coopérative forestière "Alliance Forêt Bois" (dont on connaît les méthodes de gestion et d’exploitation du pin en ligne, ravageuses pour la biodiversité), comme l’implication du "syndicat des sylviculteurs du Sud-ouest", rien ne semble de nature à rassurer des environnementalistes. Une présence de la SEPANSO pour faire un peu contrepoids nous paraîtrait justifiée. Expériences passées et coutumes en la matière nous ont appris que les "mesures compensatoires" étaient essentiellement de nature à endormir le citoyen.
L’idée même de boisement compensateur est une arnaque intellectuelle. "Identifier et mobiliser des parcelles forestières éligibles aux boisements compensateurs", on comprend que ce sont "les boisements" qui sont compensateurs et compensateurs du préjudice subi par les usines de transformation du bois. De quelle nature seraient donc ces parcelles forestières mobilisables sinon des boisements de feuillus de moindre intérêt pour les usines de transformation du bois ? Pour nous, le préjudice environnemental serait double : des surfaces sacrifiées à des aménagements économiques et, sous prétexte de compensation, on sacrifierait ce qui est attaqué de partout pour défaut de rentabilité bien qu’étant un des ultimes réservoirs de biodiversité : les boisements de feuillus !
- Pour les "retombées fiscales"...
conséquentes pour la CCM et le département, quand même appréciables pour la commune et la région, nous trouverions normal si les mots "préservation de l’environnement et de la biodiversité" ont un sens, que cette manne soit investie dans la maîtrise foncière et la gestion d’espaces dont on serait sûr que, demain, ils ne seraient pas défrichés pour du pin en ligne, pour d’autres projets photovoltaïques ou ouverts à la construction.

Un projet qui s’inscrit dans des mécanismes préjudiciables à l’environnement
Au-delà des considérations d’acceptabilité du projet proprement dit, il est mis en avant qu’il sera aussi créateur d’emplois. Or, qui dit nouveaux emplois dit nouveaux habitants et qui dit nouveaux habitants dit prétexte à ouvrir de nouveaux droits à construire et qui dit nouvelles constructions dit demande accrue en énergie, pression accrue sur la ressource en eau et problèmes de mobilité de plus en plus insolubles.. Cela va toujours dans le même sens et valide la formule : "l’environnement on en parle, les aménagements on les fait".
L’Esprit communautaire n° 68 p. 11 dit : "Soumise à des problématiques de flux croissantes, la CCM s’attend à accueillir de nombreux habitants supplémentaires à l’horizon 2030. Les nouvelles orientations des PLU communaux et le potentiel de la Technopole susceptible d’accueillir 1200 emplois supplémentaires vont en effet permettre d’attirer une population nouvelle et de continuer à dynamiser le territoire". Évidemment, tout cela s’ajoute et, au final comme d’habitude, ce sont toujours plus d’aménagements et c’est toujours dans l’environnement que l’on taille. Aussi, lorsque en couverture du même numéro on titre : "un territoire nature qui compte le rester", on est en droit d’être perplexe.
Peut-on dire que l’avantage des bénéfices d’aujourd’hui empêche de voir les désavantages de demain ?

Contexte socio-économico-administratif indépendant des incidences locales
Lorsqu’il existe des demandes, de quelle nature qu’elles soient, qui s’avèrent potentiellement rémunératrices, il se trouve toujours des "capitaux" prêts à s’investir pour les satisfaire en y trouvant leur compte. Quelles qu’en soient les conséquences sociétales, environnementales ou économiques. Actuellement la demande en énergie est forte. Le photovoltaïque demande de grands espaces et offre un rendement plus avantageux, plus immédiat, moins aléatoire que le bois. Cela créera des "vocations" chez les propriétaires forestiers.
Les autorités administratives sont loin d’être braquées contre ce type de projets. La municipalité de Saucats "émet un avis de principe favorable au projet" ; d’autres communes rouvrent leur PLU pour y inscrire des espaces accessibles au photovoltaïque ; à Louchats, la "ferme photovoltaïque" a été imposée par la préfecture contre l’avis de la municipalité qui y était opposée.
Le SRADDET : Schéma Régional d’Aménagement, de Développement Durable d’Égalité des Territoires, finalisé en 2020, a inscrit dans ses objectifs concernant la production d’électricité voltaïque de passer de "1,6 GW de puissance installée en 2015 à 8,5 GW en 2030 et 12,5 GW en 2050" et le SCOT de l’aire métropolitaine bordelaise dont nous faisons partie "prescrit aux plans locaux d’urbanisme de ne pas faire obstacle aux aménagements et dispositions nécessaires à la mise en place de systèmes de production d’énergies renouvelables et de récupération"....
Nous n’ignorons pas non plus que les bureaux d’étude sont passés maîtres dans l’art de monter des dossiers où tout est mieux après qu’avant. Il faut avoir vu l’exemple des Graves du Sud-bordelais mises en coupe réglée par les exploitants de granulats. Là aussi, impératifs économiques, royalties pour les collectivités, revenus attractifs pour les propriétaires assortis de consignes de "remise en état" (nous préfèrerions le terme de "maquillage") font que les protestations sont à bas bruit. Le schéma est classique.
Si le SRADETT Aquitaine est demandeur en projets photovoltaïques ; si il est prescrit aux PLU de ne pas y faire obstacle ; si il suffit d’un accord entre un promoteur et un propriétaire pour qu’un projet soit réalisable, si on peut être assuré du soutien indéfectible de la préfecture pour ce type de projet ; si, de surcroit, les équipes municipales considèrent cela comme une aubaine, une opportunité à ne pas manquer, nous pensons que l’on peut faire l’économie de l’enquête d’utilité publique.
Jusqu’à ce jour, dans notre région, les moyens de rentabiliser le espaces étaient la vigne, le pin en ligne et l’urbanisation. Viendrait s’y ajouter le photovoltaïque. Tout cela est cause d’une baisse constante de la biodiversité ; tout cela concourt à des atteintes graves à notre capital environnement. Il est de plus en plus évident que la préservation de la biodiversité passe par la "maîtrise foncière" ; par des espaces qui doivent impérativement être mis hors des circuits économiques. Il nous semble appartenir aux élus de fixer, faute de limites, des pourcentages raisonnables de véritables compensations environnementales.

Conclusions
• Nous sommes pour les énergies non carbonées et non nucléaires. Selon les informations dont nous disposons, il semble que l’hydrogène soit une valeur plus sûre que l’électrique pour les mobilités de demain. Le stockage de l’électricité va de pair avec le photovoltaïque pour en "lisser" les irrégularités. Quant au centre de stockage des données, nous comprenons bien qu’il va de pair avec une société "hyper connectée". Toutefois nous nous inquiétons vivement d’une société qui "s’informatise" à marche forcée et tous azimuts.
• Regrouper tout cela sur un même site ne nous semble pas une nécessité première, sinon de rentabilité économique.
• Concernant "l’insertion" du projet dans la communauté de communes Montesquieu, la discordance est manifeste entre une CCM qui s’annonce être un "Territoire Nature qui compte le rester" et une de ses communes qui deviendrait "Terre d’énergie".

• Parallèlement, la disproportion est flagrante entre une production de 1 GW qui représente 8% du photovoltaïque prévu par le SRADDET pour 2050 et la surface de la CCM qui n’est que de 0,39% de celle de la Nouvelle Aquitaine.
• Même s’il était jugé acceptable techniquement et économiquement, Horizéo aurait toujours le grave défaut de ne présenter aucune compensation environnementale digne du nom.
• Le projet HORIZEO n’est pas à la dimension de la communauté humaine dans laquelle il veut se placer.
Nota :
Les boisements compensateurs devant être recherchés parmi "des parcelles forestières" (donc de feuillus), LGPE souhaiterait que l’environnement ne soit pas oublié et bénéficie de la manne des retombées fiscales du projet.
LGPE Saint-Morillon, 26 avril 2021