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Mesures compensatoires du projet Horizeo : de véritables compensations pour l’environnement ?

vendredi 4 février 2022, par Delpech

Les débats publics sont une procédure remarquable de la démocratie participative... Mais des expériences précédentes (A 65, LGV GPSO par exemple) ont démontré que, si le peuple peut donner son avis, les décisions finales se prennent dans d’autres cercles où les attendus exprimés ne comptent que pour peu. Horizeo risque de ne pas échapper à la règle. Le débat public passé, les choses sérieuses se font jour.

Le journal Sud-Ouest du 27 janvier 2022 est révélateur. Il traite d’un sujet important : les "mesures compensatoires" censées consoler des conséquents dégâts environnementaux les réticents aux projets. Si l’heure était à la plaisanterie, on pourrait dire qu’elles justifieraient un "débat public".

Sous un gros titre : "le casse-tête des boisements compensateurs", on apprend :
- Engie et Neoen s’engagent " à replanter 2000 ha a minima à proximité des usines de traitement du bois ".
- Il est fait référence à une "Bourse des compensations forestières". Il s’agirait de boisements dont les propriétaires n’ont plus les moyens d’assurer l’entretien, de "remettre en production des forêts abandonnées"... ou encore "dépérissantes". Engie a fait appel à une coopérative forestière pour trouver les parcelles éligibles .
- Mais " la ressource de parcelles éligibles se tarit ... Le stock des parcelles compensatrices fond comme neige au soleil à cause de la multiplication des défrichements". Et la LGV arrive avec ses 3500 ha défrichés complète la DDTM.
- "Il sera impossible de faire tous ces boisements compensateurs en Gironde " ; Il faudra "élargir la zone de recherche en Lot-et-Garonne, Charente et Dordogne".
- "Des forêts de châtaigniers du Périgord en mauvaise santé pourraient, à terme, être remplacées par du Pin maritime".
- " En cas d’impossibilité de reboisement au niveau régional" ... une indemnité pourrait être versée "au Ministère de l’Agriculture " (de l’ordre de 3700 € /ha pour du résineux).

Tout cela ne peut passer sans quelques commentaires :
- On ne peut que se féliciter de l’engagement à "replanter 2000 ha a minima" mais le " à proximité des usines de traitement du bois" indique que seules les industries de la forêt et du bois subiraient un dommage qui justifierait compensation . C’est faire peu de cas du préjudice subi par les populations locales qui voient encore et toujours un peu plus de leur environnement partir en "aménagements".
- Le principe des mesures compensatoires, pour louable qu’il soit, ne sert trop souvent qu’à donner bonne conscience. La démarche n’aurait tout son sens que dans le cas de figure où, à quelque chose de détruit, correspondrait quelque chose de créé . On se rapprocherait de cette norme si, par exemple, à chaque hectare dévégétalisé et aménagé correspondrait un autre hectare débarrassé de ses aménagements et revégétalisé, type friche commerciale ou industrielles. Nous sommes loin du compte.
- La "Bourse des compensations forestières" serait alimentée par des parcelles forestières dites "abandonnées" dans la mesure où leurs propriétaires n’ont plus les moyens de les entretenir... "Rationnaliser" au sens de rentabiliser des espaces économiquement sous exploités ne peut être à notre sens une mesure compensatoire satisfaisante . Il serait tout de même un comble que des mesures de compensation soient ramenées à subvenir aux déficiences de propriétaires forestiers pour garantir un approvisionnement des usines.
- Il y aurait aussi une double peine pour l’environnement lorsqu’il est envisagé que "des forêts de châtaigniers du Périgord en mauvaise santé" pourraient être remplacées par du pin maritime, confirmant par là ce que nous redoutions : que des feuillus plus intéressants écologiquement cèdent la place à des résineux plus avantageux économiquement .
La pierre d’achoppement à tout cela est le "tarissement de la ressources des parcelles éligibles.. dont le stock fond comme neige au soleil" et n’a pas fini de fondre au regard de la multiplication des aménagements avec, en point d’orgue, l’arrivée de la LGV et ses 3500 hectares à compenser.
- On atteindrait la triple peine pour l’environnement si, même en ratissant large comme prévu en Lot-et-Garonne, Charente et Dordogne, on était confronté à un défaut d’espaces "éligibles". En quel cas, la compensation serait ramenée à une indemnité versée au Ministère de l’Agriculture  ! Un comble dont on ne sait s’il faut en rire ou en pleurer !

Habitants, espace et biodiversité, tous grands perdants
Lors du débat public Horizeo, les participants ne venaient pas de Saintes, Nérac ou Périgueux et leur souci principal n’était pas de savoir s’il fallait ou non du photovoltaïque, ou s’il en fallait plus ou moins. C’étaient des Locaux qu’interpellaient la nature et la dimension du projet, le fait que des espaces encore "verts", fussent-ils de la friche ou du pin, allaient être défrichés, remodelés et aménagés. Dans leur imaginaire, c’est cela qu’ils pensaient (et pensent encore) devoir être "compensé". Or il n’est prévu que de compenser un manque à gagner en matière première pour les usines à bois par de l’enrésinement à vocation industrielle  ; à prévoir trop souvent au détriment des feuillus et, qui plus est, loin de chez eux..
Habitants, espace et biodiversité sont les grands perdants de ce jeu de dupes.

Priorité aux feuillus menacés
Il est une autre idée à défendre : toutes les forêts ne sont pas équivalentes. La biodiversité est remarquable en peuplements mixtes de feuillus . Concernant la culture intensive du pin en ligne, elle n’a guère d’autre valeur qu’économique et de verdissement. Or, chez nous, telles les parcelles compensatrices, celles de feuillus "fondent comme neige au soleil". Elles cèdent régulièrement la place à l’enrésinement lorsque ce n’est pas à l’urbanisation ou à la vigne et sont même soumises au risque d’être éligibles, sous quelques prétextes, à une "bourse des compensations forestières"... Étant établi que la maîtrise foncière aux mains des collectivités territoriales peut seule garantir la pérennité d’espaces dont la vocation serait axée sur la richesse biologique, il ne serait pas aberrant que ces collectivités demandent des compensations en peuplements de feuillus ou en espaces susceptibles de le devenir .
Nous ignorons à combien se monte la facture pour défrichement, remise en culture et entretien d’un hectare à vocation forestière mais, vu les moyens mis en œuvre, elle doit être salée ! Nous retiendrons en revanche les 3700 €/ha susceptibles d’être versés dans les caisses du Ministère de l’Agriculture ; pour 2000 ha, cela fait beaucoup d’argent... On pourrait aussi considérer taxes et royalties versées aux collectivités territoriales, sans parler des revenus des promoteurs ou de la rente versée aux propriétaires fonciers. Rien de tout cela ne pourrait-il être distrait pour des compensations environnementales qui signifieraient quelque chose ? Abonder, par exemple un fond en vue d’acquisitions de type ZPENS ou autre  ?

Mesdames et Messieurs du Département, de la CCM, des Municipalités, si Horizeo devait se réaliser, faites votre possible pour que le préjudice environnemental soit véritablement compensé ; et ici, pas ailleurs. Il est bien de médiatiser un souci majeur de l’environnement ; il est mieux de le promouvoir. Voilà peut-être une occasion