Projet de LGV Bordeaux-Espagne
Les projets ferroviaires structurants de notre territoire doivent se faire au bénéfice d’une amélioration quantitative et qualitative de l’offre de trains régionaux, en particulier pour la desserte péri-urbaine ferroviaire de notre agglomération. Et sur ce point nous posons clairement la question de la pertinence de la Grande Vitesse : les gains en temps souvent limités, les coûts exorbitants liés au développement de cette technologie doivent nous alerter. L’expérience dans d’autres régions du développement de la grande vitesse qui pour pouvoir relier efficacement les grandes métropoles ont aussi eu pour conséquence un service intra-départemental et intra-régional détérioré, pire encore, des lignes de courte distance purement et simplement supprimée. Ce n’est assurément pas la vision de l’aménagement du territoire que nous défendons.
Il est fini le temps ou dans le confort d’un bureau parisien ou Bruxellois des technocrates tracent sur des cartes des autoroutes ou des lignes de TGV. Les habitants des territoires concernés n’ont plus envie de laisser faire, au nom d’un pseudo intérêt général, le massacre organisé de leur cadre de vie. De la vallée d’Aspe à la vallée de la Tarentaise, du Blayais au Pays Basque, des voix s’élèvent. Ont-il tort de s’élever contre ce pseudo intérêt général ? Pour ne prendre qu’un exemple, celui du Sud Gironde ou les populations ont dû répondre en quelques mois d’intervalle, à la concertation sur le projet d’autoroute A65, projet que nous avons combattu, puis quelques temps après, à l’enquête sur la voie à grand gabarit pour amener les pièces de l’airbus A380 à Toulouse, l’année dernière le débat public sur la LGV Bordeaux Toulouse et aujourd’hui celui du projet ferroviaire Bordeaux Espagne. Où est la cohérence dans tous ces projets ? Qui coordonne ? Qui décide ? Je ne suis pas surpris de la violence verbale exprimée par des citoyens qui découvrent année après année le sort réservé à
leur cadre de vie.
Il ne faut pas non plus oublier les autres habitants de ces contrées traversées, la faune et la flore, ce que l’on appelle la biodiversité et qui n’intéresse que les écologistes ! Les grands espaces non fragmentés présentent une très haute valeur écologique en raison même de la rareté de telles vastitudes. Avant même de n’être plus qu’un souvenir, la nature banale non encore cloisonnée mérite d’être protégée au même titre que les espèces rares et leurs habitants. C’est la raison pour laquelle les infrastructures nouvelles doivent impérativement être envisagées sur les couloirs déjà existants. « Recycler l’existant pour préserver les espaces naturels », voilà ce que l’on pouvait entendre dans les réunions du débat public.
En Pays Basque, le mouvement écologiste et une large partie de la population refusent une nouvelle balafre dans l’arrière-pays. Ils souhaitent conserver les gares existantes qui donnent satisfaction notamment lors de la période de grosse pression touristique. C’est pourquoi ils préconisent, donc l’utilisation optimale, le recyclage de l’existant en améliorant notamment le niveau des nuisances sonores
Pour finir, cela m’amène à évoquer le report modal du fret de marchandises. Le fameux report modal, mis en premier plan dans ce projet. S’agit-il du report des camions de la route vers le rail ? S’agit-il du report des 10.000 camions supplémentaires que le grand contournement autoroutier de Bordeaux et la mise à 2x3 voies de l’autoroute A63 va permettre de faire circuler ?
Croyez-vous que les citoyens vont comprendre que pour participer à l’objectif de diviser par 4 les émissions de gaz à effet de serre, nous allons d’abord construire des infrastructures routières qui vont multiplier par 2 ou par 3 le nombre de camions traversant notre région, (l’A65 entre Bordeaux et Pau, la mise à 2x3 voies de l’A63 dans sa partie landaise et dans sa partie concédée au Pays Basque, le contournement autoroutier, la liaison transnavarraise, la RN134 en vallée d’Aspe, la mise à 2x2 voies de la RN21) ensuite, que l’on construira des lignes à grande vitesse destinées exclusivement dans la quasi totalité des parcours aux transports des voyageurs et, à l’horizon 2020, ce qui reste, c’est à dire les sillons ainsi libérés seront consacrés au fret. Je réaffirme que ce n’est pas en continuant à réaliser des infrastructures routières que nous pourrons effectuer le report modal de la route vers le rail et la mer. C’est antinomique. Un projet ferroviaire ne sera viable qu’en renonçant, entre autres immédiatement, au grand contournement autoroutier de Bordeaux et à l’élargissement de la A63. Il est temps que les grands décideurs de ce pays sortent de leur schizophrénie.
Nous devons d’ailleurs dénoncer le parti pris de RFF de privilégier ce scénario au détriment du scénario 1. En effet, le dossier du débat public a été bâti sur de nombreuses contre vérités et comporte de graves insuffisances et incohérences qui ont eu pour objectif inavoué d’orienter outrageusement le débat vers le choix du scénario 3. Par exemple, les trois scénarii proposés par RFF dans ce dossier, repose sur un seul postulat : la saturation de la voie actuelle, notamment dans sa traversée du Pays Basque. La contre-expertise indépendante, demandée par les Verts du Pays Basque et les associations, et réalisée par les bureaux d’études SMA et Progtrans, a rétabli une vérité que beaucoup suspectaient. Oui, on peut dire que c’est « Une vérité qui dérange » et ce, sur trois points :
1. Les données fournies par RFF sur le trafic actuel (qu’il s’agisse du fret ou des voyageurs) étaient fausses.
2. Le trafic prévu par RFF pour l’autoroute ferroviaire est totalement surévalué ou largement hypothétique compte tenu du faible coût du transport par route et les nombreux investissements routiers qui sont programmés d’ici 2020. (C’est d’ailleurs la contradiction principale des promoteurs de la LGV qui sont en même temps des défenseurs acharnés du développement routier).
3. Il en découle que l’infrastructure actuelle avec les aménagements déjà prévus par RFF et d’autres aménagements mineurs complémentaires, permet de faire passer le trafic envisagé par RFF en 2020. S’il s’avérait que le report modal de marchandises de la route vers le rail que nous souhaitons était supérieur aux prévisions de RFF, il serait toujours temps, entre 2015 et 2025, d’ajouter des voies supplémentaires... des voies supplémentaires dédiées au fret.
Pour toutes ces raisons, il m’apparaît donc nécessaire de ne pas retenir les scénarios 2 et 3 et d’axer tous les efforts pour utiliser le couloir existant. C’est-à-dire suivre le scénario 1 tout en procédant à l’ensemble des restructurations nécessaires pour absorber l’augmentation du trafic issue du report modal, en tenant compte des études complémentaires, études dont vous voulez minimiser l’impact, mais études incontestables car elles ont été faites par des gens qui vivent le report modal au quotidien, ce qui n’est pas le cas de RFF, que je qualifierais de fossoyeur du fret ferroviaire.