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Lettre aux candidats aux élections régionales de mars 2010

vendredi 5 mars 2010

Coordination Vigilance LGV
BP 3 - 33720 LANDIRAS
Mail : coordination-asso-vigilance-LGV@orange.fr

Mesdames et Messieurs les candidats
aux élections régionales de mars 2010

Landiras le 16 février 2010

Objet : Projets de Lignes à Grande Vitesse

Madame, Monsieur,

En tant que candidat au scrutin des élections régionales de mars 2010, vous êtes amené à prendre position sur un certain nombre de dossiers concernant la région Aquitaine. Parmi ceux-ci il en est un, le projet de LGV Bordeaux-Espagne et Bordeaux-Toulouse, qui rencontre une opposition croissante des populations et auquel s’intéresse particulièrement notre coordination d’associations. Nous souhaitons aborder ce sujet sous plusieurs angles :

Le premier concerne l’aspect environnemental, à commencer par le bilan carbone sans cesse mis en avant pour justifier la très grande vitesse sur rail. A y regarder de plus près, ce paramètre ne peut pourtant apparaître pertinent que si l’on feint d’ignorer l’ensemble des coûts carbone issus de telles infrastructures ferroviaires. En premier lieu l’énorme gabegie d’énergie que représente la phase de travaux, mais également l’exploitation d’une telle liaison. Tout accroissement de vitesse augmente de façon considérable le coût énergétique par kilomètre et par personne transportée. Enfin, et ce n’est pas le moindre des paradoxes, la rentabilité d’un tel projet repose uniquement sur l’augmentation induite par la voie nouvelle sur le trafic dans sa globalité et non pas, de l’aveu même de RFF lors des débats publics, sur le modeste report modal attendu (aérien et routier). Tous ces facteurs impliquent davantage de consommation et on nous assène le résultat vertueux d’un meilleur bilan carbone. L’argument n’est définitivement pas le bon, d’autant plus que des expertises indépendantes indiquent que de nouvelles voies ne sont pas indispensables à l’absorption du trafic à venir, même largement surestimé par RFF.

Mais l’aspect environnemental, c’est aussi la préservation des territoires naturels… Comment en 2010, année internationale de la biodiversité, peut-on encore présenter comme écologiquement exemplaire, une infrastructure qui stérilisera plus de 4000 hectares de milieux naturels, forestiers ou agricoles pour faire gagner un peu de temps à des voyageurs ? Comment enfin rendre crédible la volonté de mise en place en Aquitaine, de la trame verte et bleue (TVB) du Grenelle, qui a pour but de maintenir ou de rétablir les continuités écologiques, quand dans un même temps on promeut des projets qui ont pour conséquence de créer de nouvelles coupures là où subsistaient encore des continuités intactes ?
Où se situe enfin la cohérence de la région Aquitaine dans le domaine des infrastructures de transport prétendument grenello-compatibles lorsqu’après avoir imposé le passage en force d’une autoroute Langon-Pau concédée au privé, au lieu du simple aménagement de l’axe existant qui suffisait, il est envisagé maintenant de promouvoir une liaison autoroutière Pau-Oloron en échange d’un accord de financement sur un projet ferroviaire lui-même calamiteux ?

Le second point d’importance concerne l’aspect financier de ce dossier. Quand donc la région se décidera-t-elle à dire la vérité aux citoyens, actuellement relégués au simple rôle de contribuables ? Quand cessera-t-on de sous-estimer la participation régionale, annoncée à 600 M€ car basée sur une estimation 2006 alors même que la participation portera sur un pourcentage d’un montant final bien plus élevé que cette estimation ? Quand donc sera abordé le problème de la provenance des fonds nécessaires, alors que ne cesse de diminuer l’autonomie financière et fiscale des collectivités territoriales ?
De même, peut-on continuer à financer de nouvelles infrastructures alors que l’on n’est pas capable de maintenir le réseau existant ? Alors qu’un audit extérieur ou que la Cours des Comptes constatent que ce réseau est à l’agonie, que les lignes sont maintenues à minima et n’ont pas bénéficié d’investissements conséquents depuis des décennies ?
Lorsqu’il conviendrait plutôt de faire face immédiatement à la rénovation ou au simple maintien des transports ferroviaires régionaux, n’est-il pas irresponsable d’engager la Région dans le financement d’un projet pharaonique qui ne relève pas de ses compétences et qui, de plus, est destiné à être concédé au privé ?

Le troisième et dernier point a trait à l’intérêt public de ce projet. N’y-a-t-il pas, en Aquitaine, d’autres priorités que de balafrer le territoire et endetter durablement notre région pour faciliter des liaisons entre grandes métropoles européennes et accessoirement favoriser l’Ile de France, principale bénéficiaire à venir de cette liaison et qui n’aura même pas à financer ce projet ? Est-il crédible que les habitants de la Gironde placent en tête de leurs préoccupations la possibilité de faire un aller-retour à Bilbao dans la journée pour visiter un célèbre musée ? N’est-il pas plus réaliste de penser qu’ils attendent de leur région qu’elle fasse en sorte que leurs déplacements quotidiens, essentiellement intra-régionaux, soient facilités et fiabilisés ?

Vous aurez compris que nous jugeons ce projet dévastateur comme étant particulièrement ruineux et inutile pour la région. La remise à niveau du réseau existant est pour nous un préalable à toute création de nouvelles lignes et s’il doit s’en créer un jour, il est inconcevable que celles-ci s’inscrivent en dehors des corridors existants.

En conséquence, notre coordination d’associations vous engage à œuvrer dans ce sens et à exiger l’amélioration rapide du réseau existant, assortie d’un moratoire pour ce qui touche les nouvelles lignes LGV, y compris les études. En complément, il nous semble également indispensable qu’une expertise indépendante permettre de définir les améliorations qu’il serait possible et souhaitable d’apporter à la liaison Bordeaux-Toulouse comme alternative à la LGV. Cette étude viendrait utilement compléter celles concernant la branche Bordeaux-Espagne déjà réalisées et comblerait la défaillance constatée de RFF à produire des données fiables et objectives lors du débat public de 2005.

C’est pourquoi, et c’est un des motifs de ce courrier, nous souhaiterions connaître la position qui sera la votre : estimez-vous que les populations qui s’opposent au saccage de leur région avec l’argent qu’on leur ponctionne méritent d’être entendues ou bien comptez vous, malgré l’opposition croissante des citoyens concernés, poursuivre ce projet si vous êtes élu.

En vous remerciant par avance de votre réponse, recevez, Madame, Monsieur, l’expression de notre considération distinguée.

Pour la Coordination Vigilance LGV